En 2050, voilà déjà plusieurs années que le monde est entré dans une période d’apaisement. Toutefois, cela n’est pas encore suffisant aux yeux de membres du gouvernement soutenus par certains thèses néo-eugénistes, qui prônent l’évolution comportementale et sociétale par l’altération génétique.
Si la pulsion meurtrière venait d’un « gène du meurtre », ne faudrait-il pas éradiquer ce gène pour faire disparaître ce fléau de notre société ? Et pourquoi ne pas également se débarrasser du mensonge, qui nuit tant, de la lâcheté ou de la bêtise, pour aboutir à un monde qui ne soit plus simplement meilleur, mais qui soit tout bonnement parfait.
Il fut ainsi décidé de « rectifier » les gènes jugés néfastes pour le bien-être de la société dans son ensemble et de « corriger » la nature humaine par la génétique pour en améliorer le comportement.

Le résultat fût désastreux.

Les manipulations génétiques eurent l’effet inverse de ce qui était attendu. En perdant le mensonge, ils perdirent la délicatesse. En perdant la bêtise, ils perdirent l’humilité. En perdant leur agressivité, ils perdirent leur ambition. En perdant la couardise, ils perdirent la bonté.
Ceux qui acceptèrent de participer à ces manipulations génétiques furent qualifiés de « génétiquement déficients ». Ils se révoltèrent de ce statut et se retournèrent contre ceux qui étaient qualifiés de « génétiquement purs ». S’en suivit la guerre civile la plus meurtrière de toute l’histoire des Etats-Unis, dépassant de très loin la guerre de sécession. Au terme de cette guerre quasi-décennale, la population des Etats-Unis fût réduite de plus de moitié et le pays laissé en ruines.
Au lendemain de cette tragédie, un nouveau gouvernement se constitua, qui décréta la création d’un Bureau du Bien-être Génétique chargé de rétablir le patrimoine génétique humain. Il fût entendu, pour éviter de reproduire les mêmes erreurs, que la manipulation génétique seule ne suffisait pas à l’évolution d’une société. Il fallait ajouter à la composante génétique une composante comportementale liée à l’environnement dans lequel est placé l’individu.
Aussi, les personnes génétiquement modifiées subirent une nouvelle manipulation génétique, et furent placés dans des « bulles » : des environnements protégés et distincts du reste du monde, où il leur serait permis de tout oublier et de prendre un nouveau départ. Peut-être qu’ainsi, au terme d’une évolution sur plusieurs générations, il serait possible de revenir à l’état initial des gènes humains.

L’expérimentation de Chicago fut la première à intégrer le système des « Factions » : un nouvel ordre social qui, associé à des rectifications, avait de plus grandes chances de faire survenir, un jour ou l’autre, des gènes plus sains et des ADN « réparés ».
Cinq factions dans lesquelles se répartiraient les individus en fonction des qualités qui étaient les leurs : l’intelligence pour les Erudits, la sincérité pour les Sincères, l’abnégation pour les Altruistes, la bravoure pour les Audacieux et l’amitié pour les Fraternels.

Et maintenant, voilà que le système pouvait être mis à mal, parce qu'il venait d'y avoir un souci au cours d'un test d'aptitude. Parce que venait d'apparaître le tout premier divergent...